Aide médicale à mourir : un combat pour la dignité… ou pour la vie?
- David Naud
- 20 nov.
- 8 min de lecture
Série : Éthique chrétienne - Partie 6

Au Québec, l’aide médicale à mourir (AMM) fait maintenant partie du paysage. Beaucoup d’entre nous connaissent quelqu’un qui y a eu recours ou qui y pense sérieusement. Le sujet est lourd, délicat, émotif. Mais justement parce qu’il touche à ce qu’il y a de plus précieux – la vie humaine – les chrétiens ne peuvent pas se taire.
Ce message propose un regard biblique et pastoral sur la dignité humaine, la fin de vie et l’AMM. Non pas pour juger ceux qui souffrent, mais pour éclairer nos consciences, fortifier notre espérance et nous appeler à être une Église qui accompagne jusqu’au bout.
1. La vraie dignité commence avec l’image de Dieu
Dans le débat public, on parle beaucoup de « mourir dans la dignité ». Mais qu’est-ce que la dignité, au juste?
Selon la Bible, la dignité humaine ne se définit ni par la performance, ni par l’autonomie, ni par l’absence de souffrance. Elle repose sur une vérité beaucoup plus profonde :
«Dieu créa l’homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu, homme et femme il les créa.» (Genèse 1.27)
Être à l’image de Dieu, c’est :
Être créé par Dieu, voulu par lui
Avoir une intelligence, une volonté, une conscience morale
Être capable de relation avec Dieu : le connaître, lui parler, l’aimer
Être créé pour la communion, l’amour, la parole, la réciprocité
Les animaux sont créés par Dieu, mais seuls les êtres humains portent son image. Chaque personne – jeune ou âgée, en santé ou malade, autonome ou dépendante – est porteuse de cette image. C’est ce qui fonde sa dignité inaliénable.
Même le péché n’a pas détruit cette image. Elle est ternie, mais non effacée. Et en Jésus-Christ, elle est restaurée : le salut n’est pas seulement un pardon, c’est une recréation « à l’image du Fils ». Dieu nous transforme « de gloire en gloire ».
Et l’incarnation de Jésus vient confirmer de manière éclatante la valeur du corps humain. Dieu a pris chair. Il a assumé une vie humaine, un corps humain, une mort humaine. En mourant pour tous, il montre que chaque être humain a une valeur suffisante pour que Dieu donne sa vie pour lui.
Voilà la dignité selon Dieu. Rien à voir avec la capacité de se laver seul, de monter les escaliers ou de ne pas souffrir.
2. Mourir dans la dignité : que veut-on dire?
Dans le langage courant, « mourir dans la dignité » est souvent associé à l’idée de pouvoir choisir le moment et la manière de sa mort. L’AMM est alors présentée comme un « geste de dignité », un dernier contrôle sur sa vie.
Mais aux yeux de Dieu, souffrir ou être infirme ne rend personne indigne. Si la dignité vient de l’image de Dieu, aucune souffrance, aucune faiblesse, aucune dépendance ne peut la retirer.
Mourir dignement, du point de vue biblique, ce n’est pas :
Choisir l’heure de sa mort
Éviter à tout prix la souffrance
Mourir dignement, c’est plutôt :
Recevoir des soins adéquats pour soulager la douleur
Être entouré d’amour, de présence, de prière
Glorifier Dieu jusqu’au bout, dans la foi et l’espérance
Laisser Dieu rester souverain sur le moment et la manière de notre départ
L’apôtre Paul le disait ainsi :
« Christ sera glorifié dans mon corps, avec une pleine assurance, soit par ma vie, soit par ma mort. » (Philippiens 1.20)
La dignité, pour le chrétien, c’est vivre et mourir pour Jésus, dans la confiance, l’obéissance et l’espérance – pas dans le contrôle absolu de sa propre fin.
3. Un cadre légal qui s’élargit… mais pas forcément moral
Sur le plan juridique, tout a changé très vite.
Avant 2016 : euthanasie et suicide assisté étaient des actes criminels.
2016 – Loi C-14 : dépénalisation et encadrement de l’AMM pour les adultes aptes, atteints d’une maladie grave et irrémédiable, en déclin avancé, avec une mort « raisonnablement prévisible ».
2021 – Loi C-7 : la mort n’a plus besoin d’être prévisible. L’AMM devient accessible à des personnes avec maladies ou handicaps graves et persistants, même hors phase terminale.
En parallèle : introduction des demandes anticipées, obligation pour les maisons de soins palliatifs d’offrir l’AMM, réflexion en cours sur l’inclusion des troubles psychiatriques comme seule condition (reportée, mais toujours à l’étude).
Le résultat? Au Québec, entre 2018 et 2023, la proportion de décès par AMM est passée d’environ 1,9 % à près de 6,8 %. Des milliers de Québécois meurent chaque année par AMM, et la courbe continue de monter.
Important : Ce n’est pas parce qu’une chose est légale qu’elle est morale et bibliquement juste. Le cannabis, les changements de genre, certaines formes de sexualité… et maintenant l’AMM : la loi change, mais la Parole de Dieu reste la même.
4. Euthanasie, suicide assisté, soins palliatifs : bien distinguer
Pour y voir clair, il faut distinguer plusieurs réalités :
Euthanasie active : un médecin ou une infirmière administre volontairement une substance qui provoque la mort.
Euthanasie passive : arrêt d’un traitement qui ne fait plus que prolonger artificiellement la vie (machines, alimentation artificielle, etc.), pour laisser la mort suivre son cours. Cela peut être, dans certains cas, éthiquement acceptable : on ne tue pas, on cesse de s'acharner.
Suicide assisté : la personne se donne elle-même la mort, avec les moyens fournis par un professionnel de la santé.
Soins palliatifs : accompagnement global qui vise à soulager la douleur, apaiser la souffrance, soutenir la personne et ses proches, sans chercher ni à hâter, ni à retarder la mort.
Les soins palliatifs sont profondément compatibles avec la foi chrétienne. Soulager la douleur, entourer la personne, accompagner avec compassion, c’est très différent de provoquer intentionnellement la mort.
Déjà dans la Bible, on voit l’idée de soulager la souffrance des mourants, par exemple avec des boissons fortes comme analgésique primitif (Prov 31.6). Il ne s’agit pas de banaliser l’ivresse, mais de reconnaître que calmer la douleur peut être un geste de compassion.
5. Les grands enjeux éthiques de l’aide médicale à mourir
Plusieurs enjeux majeurs se cachent derrière l’acceptation grandissante de l’AMM :
Autonomie versus protection des vulnérables
On invoque le droit de décider de sa fin. Mais une demande est-elle vraiment libre quand la personne est en détresse, dépressive, isolée, ou se sent comme un fardeau pour sa famille?
Valeur de la vie versus “qualité de vie”
Qui décide qu’une vie n’est plus « digne d’être vécue »? Le critère de « qualité de vie » est extrêmement subjectif et glissant.
Le rôle du médecin : soignant ou celui qui donne la mort?
Traditionnellement, le médecin est là pour soigner, soulager, guérir. L’AMM bouleverse ce rôle. Beaucoup de professionnels vivent un profond malaise moral.
Le glissement progressif (effet “porte de garage”)
On commence avec des critères stricts, puis on les élargit : phase terminale → maladies graves → handicaps → éventuellement troubles psychiatriques. Une fois la porte ouverte, elle s’ouvre souvent de plus en plus.
Justice et équité
Si les soins palliatifs sont insuffisants, l’AMM peut devenir la « solution » par défaut pour les plus pauvres, les plus isolés, les moins bien servis dans le réseau de la santé. C’est profondément injuste.
Impact culturel
Plus l’AMM devient courante, plus elle se banalise. On en vient à voir les personnes âgées, malades ou handicapées comme « moins utiles »… et donc potentiellement « mieux mortes ». Ça tue, silencieusement, notre sens du sacré de la vie.
Double demande : AMM et don d’organes
Lorsque la même personne est candidate à l’AMM et donneuse d’organes, une nouvelle pression peut apparaître : « ce serait mieux si… ». Même subtile, cette pression pose un réel problème éthique.
6. L’éthique chrétienne : la vie est sacrée, Dieu est souverain
La Bible est claire : la vie humaine appartient à Dieu.
« C’est moi qui fais vivre et qui fais mourir. » (Deutéronome 32.39)
« Tu ne commettras pas de meurtre. » (Exode 20.13)
Nous ne sommes pas propriétaires de nous-mêmes. Nous appartenons à Dieu, deux fois :
par la création
par la rédemption en Jésus-Christ
Paul va jusqu’à dire :
« Si nous vivons, c’est pour le Seigneur que nous vivons ; et si nous mourons, c’est pour le Seigneur que nous mourons. » (Romains 14.7–8)
La foi chrétienne affirme que :
La vie humaine est sacrée du début à la fin.
Nous n’avons pas l’autorité morale de choisir d’en finir nous-mêmes.
Même la mort peut être un lieu où Christ est glorifié par notre confiance, notre persévérance, notre espérance.
La mort n’est pas le bout de l’histoire : Jésus prépare une place pour les siens, et la résurrection est notre espérance ultime.
Dans cette perspective, l’AMM apparaît comme une usurpation de la souveraineté de Dieu au moment ultime.
7. Le rôle de l’Église : présence, compassion, espérance
Dire non à l’euthanasie ne suffit pas. L’éthique chrétienne dit surtout oui à une présence fidèle, aimante et porteuse d’espérance.
Concrètement, cela signifie :
Visiter les malades et les personnes en fin de vie
Briser la solitude et l’isolement
Prier pour la guérison quand c’est possible – et pour la paix quand la guérison ne vient pas
Offrir des paroles de vie, de courage, de consolation
Soutenir les familles épuisées
Défendre l’accès à de bons soins palliatifs pour tous
Porter la lumière de l’Évangile dans les débats publics, par des lettres, des pétitions, de l’engagement social
Jésus a dit : « J’étais malade et vous m’avez visité. »
La parabole du bon Samaritain reste notre modèle : voir, être ému de compassion, se rapprocher, soigner, prendre en charge, accompagner.
« Va, et toi, fais de même. »
Que ce soit aussi l’appel adressé à nos églises aujourd’hui.
8. Redécouvrir l’« art de bien mourir »
Au 15ᵉ siècle, en pleine peste noire, les chrétiens ont développé ce qu’on a appelé l’Ars moriendi, l’art de bien mourir. Des petits manuels simples aidaient les croyants à vivre leurs derniers jours dans la foi, la paix et l’espérance.
On y parlait :
des tentations du mourant (désespoir, impatience, incrédulité, etc.)
des vertus à cultiver (foi, patience, humilité, détachement)
des questions à poser pour affermir la foi
des prières de préparation à la mort
de l’imitation de Christ dans sa passion et sa mort
Bien mourir, selon cette tradition chrétienne, c’est :
être réconcilié avec Dieu
se détacher des biens terrestres
espérer la miséricorde de Dieu
pardonner et chercher la paix avec les autres
Et la bonne nouvelle, c’est qu’on n’a pas besoin d’attendre le dernier moment pour vivre cela. Se réconcilier avec Dieu, demander pardon, pardonner, mettre de l’ordre dans nos relations… tout cela peut (et doit) commencer maintenant.
Conclusion : choisir la vie, la dignité et l’espérance
Face à l’aide médicale à mourir, l’éthique chrétienne :
Refuse l’idée que la solution à la souffrance soit de provoquer la mort
Affirme la dignité de toute personne, quelle que soit sa condition
Proclame que la vie et la mort appartiennent à Dieu
Propose une espérance plus forte que la souffrance et la mort
Appelle l’Église à devenir une communauté de présence, de soins, de compassion et d’espérance
La loi permet l’AMM. Mais personne n’est obligé d’y recourir. En Christ, nous avons d’autres voies : la sainteté, la confiance, la solidarité, les soins, l’espérance.
Que le peuple de Dieu choisisse la vie.
Que nos églises deviennent des lieux où on accompagne jusqu’au bout, où on porte les fardeaux les uns des autres, où on rappelle que la mort n’est pas le dernier mot.
Et que, jusqu’à notre dernier souffle, nous puissions dire :« Seigneur, ma vie et ma mort sont à toi. Que tout en moi, même ma manière de mourir, te glorifie. »
Message du pasteur David Naud résumé par ChatGPT




Commentaires